L’étude “Sinterklaas Brand & Product Study 2025” conduite par ERIF

L’étude Sinterklaas Brand and Product conduite par ERIF a été initiée en 2015 afin d’évaluer la manière dont différents magasins et marques (aux Pays-Bas) représentent et commercialisent le personnage de Zwarte Piet. Sinterklaas est l’une des fêtes les plus populaires des Pays-Bas et, en termes de promotion active et de consommation, dure environ six semaines par an. La fête célèbre et vénère Saint Nicolas, mais s’éloigne aujourd’hui de ses racines religieuses pour privilégier les échanges de cadeaux et les repas collectifs. Principalement destinées aux enfants, ces célébrations sont présentes dans tous les secteurs et domaines de la vie, privés et publics (commerciaux), ce qui les rend impossibles à éviter ou à ignorer complètement. Nous avons lancé cette recherche en réponse aux parent.es et enseignant.es qui, lors de notre première conférence, s’inquiétaient de l’impact à long terme du personnage de Zwarte Piet (caricature d’un homme noir réduit en esclavage) – non seulement sur les enfants noirs, mais sur tous les enfants – sur leur apprentissage des dynamiques et structures raciales. L’étude a suivi, enregistré et analysé l’évolution des produits et du marketing liés à Sinterklaas, grâce à une collecte de données quantitatives en ligne, complétée par des observations qualitatives en magasin à travers le pays. Notre objectif principal était de trouver un moyen de suivre la transformation du personnage d’un point de vue commercial, ainsi que d’explorer son rôle contemporain durant les festivités, en lien avec le discours et la controverse actuels sur les imageries racistes. Ainsi, cette recherche longitudinale peut être considérée à la fois comme une étude sociologique de marché [social market research], mais aussi comme une archive du militantisme antiraciste qui a eu lieu aux Pays-Bas au cours de la dernière décennie. En effet, nos rapports illustrent les changements culturels – et commerciaux qui en découlent – qui se produisent chaque année en réponse à ces campagnes antiracistes.

Parallèlement à la valorisation du travail militant antiraciste, précieux et essentiel, mené en réponse aux violences afrophobes aux Pays-Bas, les rapports de l’ERIF contribuent également à faire progresser la recherche contemporaine sur l’histoire, la culture et les traditions néerlandaises ; sur les histoires et les héritages coloniaux en matière de consommation, de richesse et de marketing ; ainsi que sur les travaux portant sur le racisme, l’identité, l’appartenance et les mouvements pour la justice sociale. Dans le même esprit, cette étude menée d’année en année s’inscrit dans les discours qui placent la race comme force d’oppression mais aussi de résistance dans divers contextes marchands. De plus, alors que cette publication rassemble dix ans de recherches à l’occasion du dixième anniversaire de notre première conférence sur le « blackface » en Europe (novembre 2014), le rapport complet propose également des témoignages contemporains sur le « blackface » dans d’autres pays européens, notamment en Espagne et en Suisse. Ce faisant, nous poursuivons la discussion et l’exploration de ce que signifie, dix ans plus tard, cette forme pernicieuse et spécifique de racisme anti-Noir pour les communautés concernées et les militant·es engagé·es.


Movement of key grade share 2015 vs. 2024. Illustration by Louisa Chioma Edekobi.

Résumé des principaux résultats en 2025
Blackface and Gatekeeping Belonging est la 10e étude de l’ERIF sur les marques et les produits. En réunissant les résultats de notre période de recherche la plus récente (hiver 2024) avec ceux des années précédentes, nous pouvons démontrer que la résistance collective et individuelle ainsi que les actions de plaidoyer contre l’usage du blackface lors de Sinterklaas ont, au fil de la dernière décennie, permis de réduire la présence (grand public) de Zwarte Piet. Pour résumer les principaux résultats concrets de ce rapport :

  • Les produits Sinterklaas sans aucune référence au personnage de Piet représentent désormais plus de 50 % de la part de marché totale ;
  • Les références vagues et « sournoises » à Piet (avec des contours, des ombres ou des Piet « cachés ») sont encore plus présentes sur les emballages que les Piets officiels au visage « roetveeg » (cendré) ;
  • Selon nos données historiques, au plus fort de sa présence, l’imagerie la plus déshumanisante et moqueuse de Zwarte Piet représentait plus de 50 % de la part de marché. Cette part a diminué à moins de 5 % en 2024 ;
  • D’autre part, les observations montrent que Zwarte Piet est toujours présent et identifiable en magasin et/ou via de petites entreprises privées échappant à notre recherche quantitative, ce qui complique le récit des résultats obtenus en ligne et nous pousse à interroger l’influence réelle, commerciale et sociale, des marques et magasins importants — comme nous le développons plus en détail dans le rapport ;
  • Globalement, bien que des changements importants aient été enregistrés, les produits et le marketing Sinterklaas continuent de véhiculer une imagerie et une rhétorique racialement discriminatoires, ce qui expose les enfants aux systèmes de stratification suprémacistes blancs, cisgenres et hétérosexuels dès le plus jeune âge, et impacte négativement les systèmes socioculturels d’appartenance.

Lisez le rapport complet ici, et contactez l’ERIF pour toute question à l’adresse info@erifonline.org.

Ce résumé est également disponible en néerlandais, anglais et allemand.

Au sujet d’ERIF

Fondée en 2013, la  European Race and Imagery Foundation (ERIF) veut réimaginer une Europe plus inclusive. Nous exposons et critiquons les récits dominants d’appartenance ainsi que les images et imaginaires racistes. Nous amplifions les récits de résistances orientés vers la libération. Toutes nos activités cherchent à remédier à la manière dont l’antiracisme mainstream néglige les histoires, les visions et la créativités des Noir.e.x.s et autres groupes marqués par la différence raciale. Dans cette perspective, ERIF organise des événements (conférences et ateliers), des campagnes sur les réseaux sociaux (par ex.Quotes of Resistance), du contenu en ligne (blog posts et toolkits) ainsi que des projets de recherche et des publications (tels que le rapport annuel Sinterklaas, et l’édition sur le blackface en Europe  parue dans le  Darkmatter journal). Notre objectif est d’amplifier, de connecter à travers les pays et de rendre plus accessible le travail antiraciste des activistes, chercheur.e.x.s, artistes et (non-)citoyen.ne.x.s.